Inlassable défenseur de l’industrie réunionnaise, dont il a créé un des plus beaux fleurons – l’entreprise de peintures Mauvilac – Abdéali Goulamaly est décédé à l’âge de 89 ans. La Réunion perd un entrepreneur hors normes.
« Chacune de mes batailles a été une bataille pour le développement global de La Réunion », disait Abdéali Goulamaly, décédé dimanche 27 octobre à l’âge de 89 ans. Difficile de le contredire, en retraçant l’épopée de son parcours depuis la création de Mauvilac il y a plus de cinquante ans. Son premier combat a été celui de l’industrialisation et de l’import-substitution.
Membre fondateur (1975) puis président (1981-1987) de l’Association pour le développement de l’industrie de la Réunion (Adir), il a ferraillé pour obtenir les soutiens publics indispensables à la structuration d’une production locale pénalisée par la petite taille du marché insulaire et l’éloignement. Aux côtés de Xavier Thiéblin, premier président de l’Adir, il a été en première ligne des négociations avec les compagnies maritimes qui ont permis aux adhérents de l’association de bénéficier de taux de fret préférentiels.
Convaincu de la nécessité de développer les échanges régionaux, il a toujours porté un regard acéré sur la desserte maritime de La Réunion et de l’océan Indien. Jusqu’à ces dernières années, il militait pour une « indépendance stratégique maritime de La Réunion » reposant sur une compagnie régionale « afin de démultiplier le trafic là où on nous dit qu’il n’y en a pas », sur un complexe industrialo-portuaire et sur des lignes directes entre l’île et l’Europe.
De la pêche à l’aquaculture
Sourire charmeur et regard pétillant, l’homme pouvait aussi piquer de saintes colères. Comme en 1987, quand il démissionna avec fracas de la présidence de l’Adir, s’estimant insuffisamment soutenu par les pouvoirs publics alors que le groupe Elf Aquitaine implantait une filiale concurrente à La Réunion. Exigeant envers lui-même comme envers les autres, il savait susciter la fidélité. Quelques piliers de son équipe –Guy Brun, Jean-Louis Guilloux, Hassim Onian, Ahmad Kathrada… – l’ont accompagné pendant plusieurs décennies.
Abdéali Goulamaly entretenait également une passion héréditaire pour la mer, que ses ancêtres avaient tant de fois traversée pour commercer entre le Gujarat et Madagascar. Son grand-père avait autrefois constitué une flottille de pêche à Nosy Be et la pêche fut le premier axe de diversification du fondateur de Mauvilac, en 1986, quand il racheta l’Armement des Mascareignes.
Il ne savait pas, alors, qu’une autre bataille s’annonçait : celle contre les pirates qui commençaient à écumer l’océan austral. Les armements réunionnais qui avaient obtenu l’autorisation d’exploiter en exclusivité la précieuse ressource de légine dans les eaux des îles Kerguelen et Crozet auraient pu ne jamais se relever de cette concurrence illégale. Armas et ses homologues surent finalement se faire entendre pour obtenir une surveillance efficace de la zone et la sévérité de la justice contre les pirates pris sur le fait.
Océinde, groupe international
De la pêche à l’aquaculture, il n’y a qu’un pas… de géant, qu’Abdéali Goulamaly réussit à franchir malgré tant d’obstacles en créant dans les années 1990 le premier élevage bio de crevettes du continent africain, au Mozambique. Toujours avoir une vision d’avance semble être la devise de l’industriel, indianocéanien autant que Réunionnais. De même, il fallait oser, il y a près de trente ans, miser sur les premières technologies numériques pour lancer une activité de dessin animé au Port (Pipangaï) aux côtés d’Alain Séraphine. Aujourd’hui, des créations réunionnaises sont primées dans les plus grands festivals d’animation.
Tout comme il fallait oser hâter le mouvement pour implanter à La Réunion un réseau de téléphonie à la norme GSM, que l’Europe découvrait à peine, au milieu des années 1990. Puis oser miser sur la fibre optique et le très haut débit, dès 2011 à La Réunion, alors que les grands opérateurs regardaient ailleurs. Grâce à l’impulsion donnée par Zeop, l’île est devenue la région de France la plus « fibrée », après la région parisienne.
Nassir et Azmina, les deux enfants d’Abdéali Goulamaly, ont pris le relais à la tête du groupe familial rebaptisé Océinde il y a une quinzaine d’années. Nassir Goulamaly pilote actuellement l’expansion internationale de Mauvilac en Afrique, le développement d’une unité de fabrication de pompes à chaleur à Montpellier et la mise en service d’un data center de grande capacité au Port. Azmina Goulamaly s’investit plus particulièrement dans le développement d’Aquapesca, l’élevage de crevettes du Mozambique, la commercialisation des produits de la mer hauts de gamme sous la marque Qwehli et le réseau de magasins Comptoir du Surgelé à La Réunion.
L’ADIR présente ses sincères condoléances à la famille de Monsieur GOULAMALY et à ses proches.
|Source : Eco Austral, Bernard GROLLIER